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21.09.19

Performance [myR’my:R]

L’artiste plasticien d’origine namuroise Florian Kiniques propose au public une intervention artistique collective inspirée du jeu d’enfant « le téléphone sans fil ». Une chaine humaine de plusieurs dizaines de volontaires se formera le long de l’escalier principal du Delta, depuis le hall d’entrée jusqu’au der­nier étage panoramique. De bouches en oreilles sera relayée une phrase murmurée par l’artiste à la première personne de la chaîne. Au terme de cette dernière, l’état final de la phrase sera déclamé, avec ses inévitables altérations, de telle sorte qu’elle retentisse dans tous les recoins de l’architecture. Cette proposition de Florian Kiniques s’inscrit dans la continuité de ses recherches artistiques autour du mot et de la matière sonore et témoigne de son souhait de mettre son travail en dialogue avec les spécificités de ce lieu architectural, nouvellement dévoilé aux yeux du public.

Avec la participation de Myriam Pruvot.

Le mot de l’artiste:
Sous ses dehors proprement ludiques et enfantins, cette proposition n’en charrie pas moins quelque implication profonde, sinon philosophique. Serio ludere, donc.

Quiconque a jamais joué au « téléphone sans fil » sait combien toute modification, aussi minime soit-elle, provoquée au cours de la transmission du message initialement émis peut occasionner de profondes altérations de sens, des altérations d’autant plus cocasses et jouissives qu’elles éloignent le message de sa forme première ou provoquent la substitution de mots inattendus.

Or ces altérations de sens, ce sont avant tout les accidents qui affectent les mots dans leur matérialité sonore, acoustique qui en sont la cause : susurration trop faible, défaut de prononciation, bruit environnant, trop grande proximité de deux termes sur l’axe syntagmatique, etc. De la sorte, ce jeu illustre combien le sens d’une phrase ne précède pas son codage en des mots qui permettent d’assurer sa profération (ou son inscription graphique aussi bien), mais se construit dans le temps même de son accession à l’espace public, et ceci aussi discret ait été le murmure. Incidemment donc, une telle proposition artistique dévoile combien le signe langagier (mot écrit ou parlé) ne porte pas à l’expression un sens plus vieux que lui, tel un réceptacle neutre, mais détermine au contraire – par sa matérialité même – le contenu signifié. Comme naguère quelque rusé philosophe l’a montré, ce n’est pas tant le sens signifié qui contraint le mot à dire ce qu’il veut dire, mais bien le contraire : c’est le sens qui se trouve contraint de se glisser, de se loger dans un mot écrit ou proféré pour se dire, tant bien que mal. D’où que c’est le signifiant, cette part matérielle du langage, qui détermine le contenu exprimé par ses règles, ses usages, comme par les mésusages et les accidents qui, joyeusement, l’affectent…